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MJS – Mouvement des Jeunes Socialistes

Le sens de l’éco-socialisme : la lutte pour la cause humaine

par Thomas Huygens

Beaucoup de nos camarades s’interrogent sur le sens profond du socialisme, non pas simplement comme mouvement d’émancipation, force intellectuelle et idéologique ayant embrasé le monde depuis la révolution industrielle et l’avènement du capitalisme.

Il est tout d’abord à noter que le socialisme démocratique s’inscrit dans l’ouverture du sens. C’est-à-dire qu’il n’est pas de socialisme pur, universel et dogmatique. Le socialisme est un spectre de visions dynamiques, qui évoluent au fil des époques, ce que nous appelons socialisme aujourd’hui n’est que le reflet moderne d’une force populaire bien plus ancienne. Au regard des mouvements égalitaristes au long de l’histoire humaine, tous ont pour combat fondamental : la lutte contre l’hétéronomie. C’est-à-dire un combat contre toute loi qui serait extérieure à nous-même. Le socialisme transhistorique est autonomie, il est avant tout le régime de ceux qui se donnent collectivement leurs propres lois.

Cette lutte millénaire des mouvements égalitaristes prend des formes multiples mais elle combat avant tout la domination de l’homme par l’homme. C’est pourquoi une connaissance des processus historiques de domination permet ainsi de cibler notre adversaire et de lutter efficacement. Dans notre époque, cette lutte pour l’autonomie prend le visage de la lutte contre le capitalisme : la forme la plus aboutie de domination et d’oppression (in)humaine.

D’autant plus que ce que nous voyons à notre époque est inédit dans l’histoire de l’Humanité : nous en sommes à un stade historique où l’humain se doit de poser les bases de sa propre existence. Non pas face à une crise quelconque mais en vertu de sa propre extinction de masse qui s’approche à grandes enjambées. Le réchauffement climatique rabat les cartes de l’histoire sans en effacer la souffrance. Il nous pose face à un choix décisif qui permettra de répondre à l’essence finale de l’humain. Car c’est dans son rapport à la mort qu’il se révèle et que son existence prend un sens, et une matérialité tout particulière.

La lutte pour l’éco-socialisme est la lutte finale tant promise par l’Internationale : un combat à mort, une guerre de l’humain contre lui-même, ou plutôt de l’humain contre l’imaginaire capitaliste qui depuis s’est extériorisé, semble sans contrôle, mû par une force quasi-spirituelle, s’opposant à la raison et la science[1][2].

C’est un imaginaire de la pensée du Dieu-marché, de la maitrise illimitée de l’humain et de la nature, de la négation de toute valeur de communauté humaine, de déshumanisation constante des sphères de la société, de la destruction permanente des droits sociaux, d’un pouvoir autoritaire que nul ne peut contester et de règles mondiales dont chacun joue le jeu refusant de voir l’iceberg devant lequel nous nous dirigeons.

L’Humanité a besoin d’une alternative ! Sur quoi cette alternative pourrait-elle prendre racine ?

Dans la cause humaine, dans ce qui nous est commun à l’Humanité tout entière. Le socialisme belge doit pouvoir parler au monde entier, à toutes cultures et toutes sociétés ! La lutte est historique, soyons à la hauteur des enjeux de l’histoire !

La cause humaine s’exprime dans 3 dimensions : la conservation de la vie, la condition matériel et le déploiement de nos capacités créatrices (poiesis). Cette lutte dans les 3 dimensions ne pourra être rendue possible que par la réduction du temps de travail !

La conservation de la vie

L’exigence de la conservation de la vie est un enjeu fondamental pour l’Humanité. C’est poser les conditions afin que la vie ne soit plus une survie permanente. C’est un droit à la vie et au cadre de vie !

D’emblée nous avons en priorité la Santé ! La santé est la chose la plus capitale que nous devons pouvoir garantir aux gens. Cela passe par un renforcement de la sécurité sociale, des mutuelles, des moyens, de la gratuité des soins de santé mais pas seulement ! Nous devons agir en rupture de sorte que plus jamais nous n’ayons à connaitre les souffrances qui nous ont été infligées durant la pandémie : car jamais il n’y aura assez de médecin ni de moyens pour le secteur médical !

Cela passe aussi par la pratique liée à l’entretien du corps et de l’esprit[1] : une alimentation de qualité, un retour à l’agriculture paysanne, relocalisée et généralisée, la gratuité et accessibilité sport, gratuité des soins du corps et de l’esprit, gratuité et qualité de l’enseignement, le développement des sciences biomédicales,…

Quand nous parlons de droit à la vie, nous nous rendons compte que ce qui vient en priorité est également le droit au temps : le droit au temps de vie. Nous travaillons pour vivre, nous ne vivons pas pour travailler.

En outre, la conservation de la vie nous rappelle l’importance de la vie en commun : l’individu n’est rien sans les autres, il fonde son humanité dans le contact à l’autre. Cela implique donc la reconstruction d’un réel domaine publique : une sphère de mise en commun des savoirs, des idées, des expériences et des imaginaires. Un lieu d’un intense force politique en le lieu des Communes Populaires et des Assemblées citoyennes locales comme pouvoir et contre-pouvoir effectif. Fonder la loi en commun porte son sens dans la reconnaissance commune de la loi. Toute loi hétéronome, en dehors de soi, perd immédiatement de sa force et de sa légitimité.

La vie en commun présuppose la recréation d’un espace commun, qui fut réduit à néant par la modernité capitaliste et les restrictions durant la pandémie de covid-19. Nous devons recréer du lien au sein de la société ! Ça passe par les comités de quartiers, l’activité locale, l’Horeca, événements festifs ou sportifs,… C’est pouvoir considérer la commune comme un endroit où nous pouvons vivre ensemble, plus qu’un simple territoire avec des foyers où chacun reste enfermé dans son petit chez soi ! Les communes doivent vivre, l’état doit pouvoir les faire vivre et les laisser vivre. 

La conservation de la vie, c’est aussi un droit au cadre de vie : un environnement naturel, propre, des logements décents, un environnement social, démocratique et pacifié par la fin de la volonté de domination de l’autre.


[1] Banerjee, A. V., & Duflo, E. (2020). Economie utile pour des temps difficiles.

[2] Généreux, J. (2016). La déconnomie. Le Seuil.

Finalement la conservation de la vie implique une vision long-terme, une survie de l’humanité dans la symbiose entre l’humain et son milieu. Il comprend une harmonie entre la vie humaine, sociale et la nature, qui se fonde dans le rejet de l’idéal de maitrise totale et surplombante de la nature. Cela implique une compréhension profonde de la nature du monde et l’adaptation librement choisie à ce savoir. C’est pouvoir vivre dignement sans que cela n’impacte notre vie future et ne dérègle la biosphère.

La condition matérielle

La seconde exigence réside dans l’ordre des conditions matérielles. Nous devons remplacer la propriété lucrative par la possession, ou propriété d’usage[1]. De nombreuses alternatives se sont profilées ces dernières années, nous allons nous pencher sur quelques-unes d’entre-elles.

La cotisation-salaire[2] :

Il s’agit non plus de seulement « défendre la sécurité sociale » mais bien de l’étendre. Dans la sécurité sociale, nous voyons bien deux types de cotisations : la cotisation-prévoyance (qui agit comme un salaire différé, c’est-à-dire que le travailleur a cotisé pour le recevoir après sous forme d’allocation ou de revenu) et la cotisation-salaire (qui agit comme un salaire à vie, par exemple les pensions). Dans cette dualité, l’idéologie capitaliste a toujours souhaité accepter la prévoyance contre le salaire, posant ainsi les mouvements progressistes en position de défenseur et bloquant les extensions de la sécurité sociale à d’autres sphères.

Il faut pouvoir différentier le salaire du revenu, le salaire n’est pas juste de l’argent, c’est la reconnaissance d’un travail ! L’actionnaire reçoit (ou vole) de l’argent mais ses dividendes n’est pas un salaire, ce n’est pas une reconnaissance de son travail vu qu’il ne travaille pas. Le salaire paye soit la force de travail qui est créatrice de valeur (ex : dans le privé) soit la qualification (dans le publique).

Dans l’économie capitaliste, il y a trois moyens de reconnaitre une activité comme un travail, c’est-à-dire une activité productrice de valeur : le marché de l’emploi (la présence d’une demande de la part des forces de la propriété lucratives), le marché des biens/services et la qualification.

Le but de la cotisation-salaire c’est essentiellement d’émanciper le travail. D’émanciper le travailleur de son employeur, des contraintes du marché de l’emploi, de la propriété lucrative et du modèle de l’actionnariat déresponsabilisé. Simplement en liant la reconnaissance de son travail non pas à son employeur mais à sa qualité de travailleur, de seul et unique producteur de valeur et donc de richesse ! Le salaire n’est ainsi plus « alloué » par les bonnes grâces d’un employeur mais devient un droit personnel et inaliénable ! Alors comment faisons nous concrètement ? Via la mutualisation macroéconomique de la valeur ajoutée. Autrement dit, chaque entreprises ou associations mutualisent la part de la valeur ajoutée


[1] Chepilov, D., Gatovski, L., Kuzminov, I., Leontiev, L., Laptev, I., Ostrovitanov, K (1955). « Manuel d’économie politique ». Académie des sciences de l’URSS, p. 317

[2] Friot, B., & Zech, P. (2014). Émanciper le travail. Paris: La dispute.

allouée aux salaires au sein d’une caisse de cotisation centrale pour ensuite le redistribuer directement aux travailleurs sous forme d’un salaire. Il ne s’agit alors plus d’un salaire jugé sur la force du travail ni le poste hiérarchique mais bien d’un salaire socialisé !

Par cette méthode, le travailleur s’émancipe des griffes de l’employeur, vu que ce n’est plus lui qui délivre le salaire mais les caisses de cotisations. De ce fait, le travail n’est plus « à se vendre » sur un marché, nous abolissons indirectement l’appropriation du travail par l’employeur et l’employé gagne de facto en puissance dans le rapport de force. Ce rapport de force permettra en outre de déclarer les travailleurs comme producteur de richesse et développer une logique commune dans la gestion d’entreprise, que ce soit pour la définition de la part de valeur ajoutée aux salaires comme à l’investissement.

Par cette extension du rôle et des sphères de la sécurité sociale, nous ne touchons plus seulement à la redistribution de richesse mais au sens même de la production de richesse, qu’est le travail ! Pour résumer, nous introduisons une nouvelle pratique de la valeur et du travail. Une pratique qui se distance de la valeur lucrative appropriée vers une valeur d’usage mutualisée.

La renationalisation des secteurs essentiels :

Outre la mutualisation du salariat, nous devons remettre les secteurs essentiels sous le contrôle démocratique, de même qu’il est logique que tout bien commun reviennent au commun. Cela commence par la déclaration selon laquelle les biens communs de l’humanité ne peuvent être appropriés par qui que ce soit. Cela comprend : l’eau, l’air, la terre, l’énergie et le patrimoines culturel et historique.

Ensuite viennent les biens d’usage collectifs, les biens publiques dont chacun aurait le libre usage. C’est-à-dire : les transports, les voies publiques, les parcs, la monnaie, les outils de productions mis en commun,…

Finalement nous devons publiciser ce qui protège l’institution garante de la démocratie autonome et du maintien de la sphère commune. Les biens et institutions sur lesquelles notre Etat repose ne peuvent être appropriées : la finance, les banques, la défense, la police, les tribunaux, le secteur publique,… Publiciser les biens communs n’est pas une expropriation pure et simple mais la mise sous contrôle légitime et démocratique des biens qui maintiennent la vie et la survie de notre société.

L’organisation de la souveraineté des producteurs librement associés :

C’est-à-dire un pouvoir effectif aux travailleurs au sein des entreprises.

Cela complète la mutualisation du salariat car les travailleurs libérés de la fonction d’employeur et ainsi reconnut comme uniques producteurs de valeur sont libres de maitriser leur destinée. Ils sont souverains sur leur lieu de travail comme dans leur travail. L’entreprise se transforme en « association de producteurs souverains sur leurs productions ».

C’est l’extension de la démocratie et de l’autonomie au sein des unités productives de l’économie, où chaque coopérative se gèrent en leur sein. Si cela n’efface pas forcément la fonction de directeur ou de manager, le sens même de cette fonction change totalement car le directeur devient celui qui tente d’incarner et de respecter la souveraineté des travailleurs dont il est lui-même le garant. La direction n’est plus de l’ordre de l’arbitraire, de l’autoritaire mais de la représentation et du collectif. Cette souveraineté n’empêche en rien le recours à l’expertise mais au fur et à mesure du développement des forces créatrices par la baisse du temps de travail, cette expertise sera peu à peu intériorisée par les membres de la coopérative, réduisant de ce fait la division du travail au sein de la société comme de l’entreprise.

La limitation de l’accumulation sans fin du capital par un salaire maximum :

Le salaire maximum avec délégation à l’investissement directif est un moyen de favoriser la transition éco-socialiste. Il s’agit de contraindre l’accumulation du capital dépassant de 15 fois le salaire minimum et au sein des entreprises, faire en sorte que le salaire maximum ne soit pas de 12 fois le salaire minimum en interne.

Le but de cette mesure est double, premièrement elle lie l’augmentation du salaire maximum au salaire le plus faible, si le PDG voudrait s’augmenter, il faudra commencer par augmenter ceux d’en bas !

Ensuite toute somme dépassant ce seuil devra soit être investie librement par le propriétaire dans un secteur de la transition, soit prise par l’Etat en vue de cette transition. Cela permettra d’investir une part des gains dans l’économie réelle et faire tourner la machine !

La responsabilisation de l’actionnariat :

L’investissement n’est pas une chose mauvaise en soit mais l’actionnariat doit être responsabilisé. Reverser des dividendes de peut pas se faire au détriment des travailleurs ni des clients ! De même, un investisseur doit pouvoir être responsable juridiquement des pratiques d’une société en échange de la transparence de celle-ci, vu qu’il a soutenu financièrement l’entreprise, il est en partie collaborateur de ses actions. Le but est qu’enfin l’investissement soit responsable et éthique, forçant également les entreprises lucratives à devoir changer leurs méthodes !

Une politique économique du besoin :

C’est partir des besoins associé à un plan de relance, sortant de l’amertume des politiques de l’offre consistant à produire n’importe quoi n’importe comment en espérant que le produit trouve bien une demande quelque part !

N’ayant ni le contrôle de notre monnaie, aux mains de la Banque Centrale Européenne (BCE), et rejetant la politique économique de l’offre, la voie prise doit être dans la politique de la demande et une relance budgétaire en régime de change fixe.

Il faut investir massivement dans la société, augmenter les dépenses publiques, de sorte à obtenir une hausse de la demande intérieure. Cette hausse permettra l’augmentation du PIB national, créant des emplois et diminuant fortement le chômage. Cet investissement public pourra être orienté en faveur de la transition écologique, sociale et la modernisation des infrastructures.

La relance de l’économie entraîne artificiellement une inflation, à laquelle suivront les salaires par indexation en stabilisant le pouvoir d’achat. Il faut bien comprendre qu’une stabilité des prix, défendue par la BCE, n’implique en rien une montée des prix, mais un contrôle de l’inflation. Or les 2% d’inflation promue par la BCE n’est qu’une norme assez arbitraire quand on voit le niveau  de 4-6% en 1960 qui garantissait sans soucis plein-emploi et pouvoir d’achat. Le danger de l’inflation doit être évalué au regard de son coût-bénéfice social et son degré de maîtrise, nous voyons aujourd’hui que celle-ci est en train de s’emballer au détriment des travailleurs et au bénéfices des multinationales et entreprises d’énergie, engrangeant des bénéfices démesurés.

Une économie serait plus efficace avec une inflation modérée : une hausse des prix de 4-6%, ce type d’inflation redistribue la richesse indirectement. L’inflation ronge le pouvoir d’achat sans indexation, donc pas de tous les types de revenus. Elle grignote essentiellement les revenus qui ne sont pas ajustables à la hausse des prix (rente financière, intérêts fixes et loyers fixes), mais en aucun cas les revenus révisables (salaire, pensions et épargnes), d’autant plus lorsque les salaires augmentent plus vite que les prix. Ainsi, l’inflation modérée et contrôlée rogne la valeur du patrimoine des créanciers et enrichi le capital des ménages endettés. La valeur nominale d’une dette reste stable, mais sa valeur réelle s’effondre dans le temps. Au final, l’inflation modérée pénalise principalement le capital des banquiers et

créditeurs en leur assurant un risque moindre, mais est surtout bénéfique pour la grande majorité des salariés, en particuliers les plus pauvres ou la classe moyenne, ceux contraints à contracter un crédit. C’est la raison pour laquelle les partisans de la finance et les banquiers agitent systématiquement le danger de l’inflation, empêchant le moindre investissement publique. Le réel danger de l’inflation c’est la crainte de celle-ci et l’impression massive de monnaie inutilisée (aux mains de la BCE). Cette peur accélère l’inflation par l’anticipation de la hausse des prix, au jour de la transition on s’en passera !

En science économique, l’investissement publique massif entraine un effet multiplicateur sur l’économie nationale. C’est-à-dire que pour chaque euro investi dans la société, la société en gagne plus (1,8€ pour notre exemple). Par exemple, si l’Etat investit 100€ et que les ménages consomment 80% de leur revenu, le PIB augmente de 80€ durant la première vague. Ces 80€ sont à nouveau données aux ménages, qui en consomment 80%, le PIB augmente alors de 64€ à la seconde vague, etc… C’est un peu simplifié mais le principe est là.

Cet effet est menacé par une éventuelle augmentation des taux d’intérêts qui pourrait assécher l’investissement privé. Seulement, dans notre révolution, l’effet d’éviction financière sera quasi nul grâce à la forte mobilité des capitaux au sein de l’Union Européenne. Grâce à la mobilité des capitaux, la hausse des taux d’intérêt ne sera que temporaire par l’excédent de la balance de paiement. Si ça ne suffit, pour éviter du tuer l’initiative privée, nous pouvons alors adopter une demande de monnaie peu élastique au niveau d’activité et très élastique aux taux d’intérêts, de sorte à ce que la hausse des taux soit inefficiente.

Finalement, pour que cette politique soit efficace, il faut que l’effet multiplicateur soit maximal par la souveraineté des producteurs associés, avoir une demande élastique par un besoin de main d’œuvre (et non un remplacement ou un usage d’équipement), une offre élastique (présence de biens substituables en réorientant la production matérielle aux besoins) et une politique d’exportation ou de production nationale. Ça signifie que nous devons pousser à recruter des gens, faire en sorte qu’une grande partie des bénéfices soient sous forme de revenu dédié à la consommation, produire essentiellement des biens de substitution au marché pour augmenter la compétition, donc contrer une trop forte inflation et essayer d’exporter les produits belges à l’étranger.

Pour conclure :

Le but est une amélioration de nos modes de vie et de notre dignité via la redistribution juste des richesses selon la loi : « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ».

Le développement de nos capacités créatrices

Finalement, la troisième exigence : le développement de nos capacités créatrices ! C’est saisir l’essence de l’homme et son épanouissement au sein de la société.

Nous devons démocratiser le savoir, rendre l’activité humaine critique et lucide du monde qui l’entoure, permettre les conditions pour cultiver notre esprit par les moyens scolaires, populaires, associatifs, démocratique, autonomes,…

La démocratie étant la pratique créatrice par excellence, l’implication dans la vie en commun devient source d’éducation et de compréhension pour le citoyen qui devient plus critique. Dans l’objectif de mettre les outils permettant à chacun de se former et créer, les média (journaux, radios, tv, podcasts, internet,…) ont une grande responsabilité dans ce développement humain. Leur orientation doit être tournée vers le savoir, l’information et la création : enseigner les savoirs, les techniques et donner les clefs de réalisation des œuvres et du jugement de chacun ! L’Art est le cœur de ce projet : la poésis (acte de création), l’histoire, la littérature, la poésie, la musique, le chant, la rhétorique, la danse, le théâtre, l’architecture, la sculpture, la peinture, le dessin,

la photographie, le cinéma, l’agriculture, le savoir, les mathématiques, la philosophie,… L’Art, la culture et l’activité humaine librement choisie au cœur de l’émancipation personnelle !

En deux mots, dans une société proprement humaine : nous nous devons bien de remplacer l’argent par l’œuvre, la recherche du profit par l’acte de création. Par cela, nous poserons des bases d’une société socialiste à la hauteur de la grandeur de notre civilisation ! La révolution éco-socialiste sera un bouleversement culturel, civilisationnel et historique tel que nos descendants diront que l’avenir aura commencé le jour de notre révolution !

La réduction du temps de travail : l’objectif central de la transition

À travers ces 3 éléments nous avons des pistes de sociétés post-capitalistes : conservation de la vie, conditions matérielles et développement de nos capacités créatrices ! Il répond aux trois sphères : physiologique, structurelle et idéologique (idea-logos). Une société où les citoyens n’ont plus à s’inquiéter pour leur vie, où il peut vivre en bonne santé, se sentir bien dans son corps comme dans son esprit, avoir un toit, à manger et boire, vivre en communs et s’épanouir et où l’harmonie avec la nature est garantie.

Toutes ces avancées ne seront possibles sans un droit au temps :

La réduction du temps de travail est donc la priorité première car elle permet de réorienter l’activité humaine vers la conservation de sa propre vie, la lutte pour ses conditions matérielles et son épanouissement humain. C’est une mutation forte de l’économie vers un modèle d’économie épicurienne, soucieuse de la vie humaine dans le présent, suivant l’impératif d’ataraxie, la tranquillité de l’âme par l’absence de souffrance, et l’impératif de bonheur sans entrer dans l’excès (hubris).

Depuis le néo-libéralisme et les années 1980, la réduction progressive du temps au travail se stoppe net ! Avec la révolution féministe, l’entrée massive des femmes sur le marché du travail, nous aurions dû voir une baisse significative par un partage du travail professionnel comme domestique… Il n’en fut rien ! Alors qu’un couple de 1950 cumulait 5 à 6 jours de travail par semaine, aujourd’hui on en est à 8 à 10 jours. Les gens sont surmenés et ils n’en peuvent plus, en 2021, c’était 111.732 personnes en situations d’invalidité de travail pour cause de burn out. Ce n’est pas l’ennui ou le bien-être contre lequel les psychologues luttent chaque jour, c’est contre un mal moderne : celui du surtravail, qui pour beaucoup, perd son sens ou son utilité réel[1].

Avec la technologie et l’imposition digitale due à la crise sanitaire, il devient de plus en plus difficile de distinguer travail et temps libre, le travail venant s’insinuer dans les foyers. Une étude de la Harvard Business School démontre l’impact de ce phénomène déjà existant en 2013 : un travailleur qualifié passait alors en moyenne 80-90h par semaine soit à travailler, à surveiller le travail à distance (messagerie, mail, plateformes,…) ou à se rendre accessible[2]. Le constat est transcontinental, l’étude portant autant sur l’Europe, l’Amérique du Nord que l’Asie. En Corée, on constate que le smartphone impose 11h de travail supplémentaire non-comptabilisée ni rémunérée[3].

Pourtant les faits sont là : la réduction du temps de travail est d’une intense force productive ! Les études de capitalistes tels qu’Adam Smith, Henri Ford ou Will Keith Kellogs l’ont démontré directement : un travailleur était plus productif au long terme en travaillant quotidiennement moins. Par exemple, l’industriel agro-alimentaire Kellogs avait décidé en 1930, sous la pression de ses ouvriers, à instaurer des journées de 6h. Résultat de l’investigation : des travailleurs plus productifs, 300 nouveaux employés et 41% d’accidents de travail en moins. L’industriel avouera même que le travail était tellement rentable qu’il était désormais apte à payer l’employer au même montant pour 6h que pour 8h[1].

Au niveau macroéconomique, quasiment le même constat. Face à l’inflation de 1974 aux Royaume-Unis, le premier ministre décréta la semaine de 3 jours ! Alors que tous les idéologues économistes et autres industriels prédisaient l’effondrement de l’économie et la fin du monde, que s’est-il passé ? Une maigre baisse de 6% de la production industrielle[2]

La réduction du temps de travail ouvre la vie et réduit la pression qui nous pèse ! Une étude a montré qu’auprès d’un groupe sur quoi se concentrerait une journée idéale : les relations intimes (1h46), la vie sociale (1h20), la détente (1h18), manger (1h15), s’occuper des enfants (46 minutes), travailler (36 minutes) et se déplacer (33 minutes)[3]. Outre dégager de la vie, il permet de réduire notre emprunte environnementale sensiblement[4], les accidents du travail et règle le problème du chômage par le partage du temps de travail.

En deux mots : « Travailler moins pour travailler Tous et mieux ! ».


[1] Hunnicutt, B. K. (1996). Kellogg’s six-hour day (Vol. 71). Temple University Press.

[2] New Economic Foundation (2010). 21 Hours. Why a shorter working week can help us to flourish in the 21st century

[3] Robinson, S. (2012). Bring back the 40-hour work week. Salon. com.

[4] Knight, K., Rosa, E. A., & Schor, J. B. (2013). Reducing growth to achieve environmental sustainability: the role of work hours. In Capitalism on Trial. Edward Elgar Publishing.


[1] Graeber, D. (2018). Bullshit jobs. Les liens qui libèrent

[2] Thompson, D. (2013). Are We Truly Overworked? An Investigation–in 6 Charts. The Atlantic.

[3] Yoon J-Y. (2016). Smartphones leading to 11 hours’ extra work a week. The Korea Times

Thomas Huygens – Vice-président du Mouvement des Jeunes Socialistes